[Entrevue] Pierre-Luc Racine, d’actuaire à humoriste

Après s’être fait connaître avec son podcast 3 bières (une aventure qui s’est terminée cet automne) et ses participations à différents festivals et soirées d’humour, Pierre-Luc Racine présente son premier spectacle solo, intitulé Très content d’être ici. Mais derrière l’humoriste se cache… un ancien actuaire. Deux domaines complètement opposés? Oui… et non. Entretien avec un humoriste sympathique et chaleureux, au parcours fascinant.


Pierre-Luc, parle-moi de ton parcours! Tu as été actuaire pendant 10 ans, et tu as tout lâché pour faire de l’humour. Qu’est-ce qui t’a poussé à faire ce changement?

Quand j’étais jeune, on m’a tout le temps dit qu’il fallait aller à l’université dans la vie, alors c’est ce que j’ai fait. Au cégep, j’ai voulu être vétérinaire. Finalement, je me suis tourné vers ma force naturelle, les maths, et je suis devenu actuaire. J’aimais l’université! Dans la vie, je suis un total nerd, mais rendu au centre-ville de Montréal, en chemise, je trouvais ça extrêmement ennuyant. Ça manquait de créativité.

En 2014, j’ai eu une série de mauvaises nouvelles qui m’ont tombé dessus et j’ai commencé à me questionner : « Qu’est-ce que j’aimerais vraiment faire de ma vie ? » Depuis que je suis jeune, j’écris des jokes: à l’époque, mes «nicks MSN», c’était des jokes. (rires) Je faisais constamment des jokes dans tout ce que je faisais et, en 2016, je me suis dit : «Si je veux être heureux, il faut que je m’inscrive l’année prochaine à l’École nationale de l’humour». C’est ce que j’ai fait et, depuis ce temps-là, j’ai été nommé trois fois aux Olivier, j’ai écrit un best-seller [NDLR: Pierre-Luc est l’auteur du livre Comment lâcher sa job de bouette et (essayer de) vivre de ses rêves] et là, j’ai une mini-tournée!

En parallèle, tu as aussi lancé ton podcast 3 bières…

En 2011 ! 3 bières, ça m’a fait parler à des artistes, moi qui était dans un milieu salarié, pas très créatif. J’ai rencontré plein d’artistes qui n’ont pas nécessairement fait de la télé, ou qui ont peut-être 3000 abonnés Facebook, mais qui en vivent! J’ai fait : «OK. C’est possible d’en vivre, finalement. Ça pourrait être quelque chose pour moi.»

Ce que 3 bières m’a appris, c’est que pendant 10 ans de temps, je suis sorti de ma coquille, en fait. C’est vraiment ça. Comme je te dis, je suis un total nerd qui passe son temps à jouer à des jeux vidéo en temps normal. J’ai ma petite gang d’amis. Là, je me suis exposé, de un, à faire des rencontres chaque semaine avec un nouvel invité, alors j’ai appris à devenir ami avec quelqu’un très rapidement, une affaire que ça me prenait des années, avant. De deux, j’ai appris à ne pas être awkward! Et de trois, à dire mon opinion, être game d’assumer ce que je dis. Ces choses-là m’ont beaucoup changé.

L’humoriste Pierre-Luc Racine, sur la scène du Bordel, à Montréal. / Crédits: ©Avec la gracieuseté de Pierre-Luc Racine

Est-ce que ç’a été vertigineux de te lancer en humour, de perdre la stabilité qui venait avec ton travail d’actuaire? Ou au contraire, c’était plutôt un soulagement?

C’était un gros move, auquel j’ai pris beaucoup de temps à réfléchir. J’ai eu à laisser tomber un certain confort. Non seulement ça, mais il y a aussi des années d’investissement que je trouvais tough de laisser derrière: j’ai passé tellement d’années à étudier, à faire des mathématiques et des examens vraiment difficiles, alors laisser tout ça de côté… Mais finalement, je réalise qu’il y a plein d’aptitudes qui me servent encore aujourd’hui, comme l’autodiscipline et apprendre à échouer.

Une de mes qualités d’ancien actuaire, c’est de travailler fort et d’être discipliné, alors aujourd’hui, mon spectacle s’améliore de show en show. Mais à cette époque-là, j’étais tellement fatigué quand j’ai pris la décision, que je voyais ça plus comme le premier pas pour me remettre debout.

Qu’est-ce que ça t’apporte, aujourd’hui, de faire de l’humour, maintenant que tu as choisi de plonger dans ce milieu-là?

Ça m’apporte énormément de bien! Premièrement, ç’a l’air niaiseux, mais faire rire des gens, c’est tellement l’fun! J’aime la créativité derrière l’humour. Quand je suis sur d’autres shows, j’écoute toujours les autres numéros. J’aime entendre ce que les autres ont à dire. Je suis un fan d’humour et j’en consomme encore beaucoup.

J’aime aussi qu’on s’exprime à travers l’humour. Que ce soit dans un numéro plus personnel ou dans un numéro où je dis ce que je pense de tel sujet, c’est libérateur. C’est intéressant pour moi de faire cet exercice-là. C’est à la fois de l’introspection, et à la fois un partage avec tout le monde. Ça crée souvent de bonnes discussions après l’entracte. Et au pire, des fois, il y a une blague qui ne marche pas et ce n’est pas plus grave que ça. Moi, effacer des jokes, ça ne me dérange pas. Je vais en écrire d’autres.

Avant d’être humoriste, Pierre-Luc Racine était actuaire. / Crédits: ©Avec la gracieuseté de Pierre-Luc Racine

Tu dis vivre aussi avec un trouble d’élocution… Je te parle depuis tout à l’heure, et je ne l’entends pas!

Ça, c’est parce que j’ai travaillé fort pour ne plus l’avoir! J’ai du bégaiement, mais ce n’est pas que je répète mes débuts de phrases, c’est plutôt des mots qui ne veulent pas sortir. Il y a des moments dans mon show où j’ai dû changer des mots, parce que certaines consonnes sont difficiles à dire.

J’ai aussi du cluttering, ou du bredouillement en français, et ça, j’en parle dans mon show. C’est pour ça que, dans la vie, je parle vraiment, vraiment vite. C’est plus un trouble de rythme que d’articulation. J’ai de la misère particulièrement avec les mots longs.

Est-ce que ton podcast, 3 bières, t’a aidé à maîtriser ces troubles-là?

C’est un trouble que je ne savais pas que j’avais pendant 3 bières, en fait. Ç’a été diagnostiqué il y a un an et demi, pendant le confinement. Ce n’est pas réglé à 100%. Je parle encore très vite, mais maintenant, je prends des pauses. J’apprends à m’exprimer sans forcer, alors j’ai en masse d’exercices de diction que je dois faire tous les jours.

L’humoriste Pierre-Luc Racine en spectacle au bar Ninkasi, à Québec. / Crédits: ©Avec la gracieuseté de Pierre-Luc Racine

Tu présentes ton premier spectacle solo, Très content d’être ici, dans quelques villes au Québec. Que signifie le titre de ton show?

« Ici », c’est plusieurs choses. Ici, c’est la scène en premier. Justement, j’en parle, de mon trouble d’élocution. Je suis content d’avoir ça derrière moi et d’être sur une scène avec un micro et d’avoir confiance en moi.

Ici, c’est le Québec, aussi. J’ai été adopté quand j’étais bébé. Je suis né en Colombie, alors c’est l’fun de parler de mon expérience. Ici, ça peut être, aussi, d’avoir survécu à des mauvaises décisions. J’ai un tatouage laid – vraiment, vraiment laid – que je révèle dans mon show ! (rires) J’ai fait plein d’affaires auxquelles j’ai survécues, et je suis content d’être ici, en ce moment, dans la version 2022 de moi-même.

Je comprends que tu t’inspires beaucoup d’anecdotes de ta vie pour écrire des blagues?

Ce n’est pas anecdotique tant que ça. C’est plus analytique, je dirais. Je suis un ancien actuaire, malgré tout! C’est léger, drôle et c’est réfléchi. Aussi, je m’appuie tout le temps sur des émotions pour livrer mes messages, alors c’est un show qui s’adresse à peu près à tout le monde.


Pierre-Luc Racine sera de passage samedi soir au bar Le Troquet, à Gatineau, pour présenter son premier spectacle solo. Au cours des prochains mois, il montera sur scène devant le public de Sherbrooke (28 janvier) et de Montréal (1er décembre).

Certains passages de l’entrevue n’apparaissent pas dans l’article, par souci de concision.

Image de couverture: ©Avec la gracieuseté de Pierre-Luc Racine

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

%d blogueurs aiment cette page :