Je rêve à demain sans vivre aujourd’hui

Toute ma (jeune) vie j’ai grandi avec l’envie de vieillir vite, j’avais 7 ans et je trimballais avec moi le trousseau de clés de ma mère comme un jouet en rêvassant que c’était les miennes et que j’avais une jolie voiture jaune-banane (comme celle d’Annie Brocoli) qui m’attendait dans le stationnement de la maison. « Ma coccinelle c’est mon cheval de Mirabel à Roberval » (les vrais sauront). J’avais 7 ans mais j’en voulais 16.

J’avais 8 ans et je rêvais du jour où j’irais travailler comme enseignante ou journaliste ou styliste ou musicienne ou chanteuse je rêvais fort et loin, j’avais hâte de me lever chaque matin sourire aux lèvres et café à la main heureuse d’entamer une nouvelle journée en tant que grande professionnelle accomplie. J’avais 8 ans mais j’en voulais 27. Carriériste avant le temps.

J’avais 9 ans et je bricolais le visage de l’homme de ma vie avec des photos d’acteurs et de chanteurs populaires trouvées dans le magazine Cool, un scrapbook d’amour imaginaire (certains diront que c’était du manifesting mais en vrai je surestimais un peu les possibles, il n’existe sûrement pas ce Ryan Gosling aux yeux de Zac Efron avec les lèvres de Chace Crawford et les cheveux de Jared Leto). J’avais 9 ans mais j’en voulais 29.

J’avais 10 ans et c’était un important milestone dans ma vie, pour la première fois j’avais deux chiffres dans mon âge ça voulait dire que j’étais presque-très-grande, l’avenir se rapprochait avec toutes ses possibilités. J’avais 10 ans mais j’en voulais 26. Additionner les années, le nombre d’étés collectionnés.

J’avais 11 ans et j’imaginais le visage de mes enfants, ils auraient sûrement une baby face et des yeux bleus (parce que Zac Efron aussi a les yeux bleus et j’écoute dans mes cours de sciences mon prof l’a dit, selon la génétique quand deux parents ont les yeux bleus leurs mini-eux aussi). J’avais 11 ans mais j’en voulais 32.

J’avais 14 ans et je pensais à tous les pays qui m’attendaient tous les voyages que je ferais parce que de la liberté et du temps tu en as plein quand tu es grand (c’est fini, les devoirs!), je commencerais avec Paris parce que j’avais vu toute sa beauté dans «Le fabuleux destin d’Amélie Poulain» et je m’étais promis d’aller me promener d’un café à l’autre avec Yann Tiersen dans les oreilles. J’avais 14 ans mais je rêvais d’en avoir 35.

Maintenant j’ai 26 automnes et je rêve encore d’une maison et d’enfants et de voyages et de possibles, et je me demande pourquoi on espère toujours l’avenir au lieu de vivre le maintenant. Je coche les cases de ma to-do list de vie sans savourer les objectifs accomplis («Check! Next!»). Et quand je les savoure je suis pressée parce que du temps je n’en ai pas autant que je croyais j’en ai même moins que quand je faisais mes devoirs de sciences (mais je ne m’ennuie quand même pas de mes devoirs de sciences).

Un quart de siècle à espérer l’avenir. Je me lance le défi de poursuivre mon chemin vers le demi-siècle en continuant de rêver mais en profitant des moments qui parsèment mon trajet de beau et même de laid (ceux-là sont souvent très formateurs). Les vivre à 100%. Les petits moments, comme les grands.

Image de couverture : ©Madhuvan Yadav/Unsplash

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